Depuis le 1er février, la cour d'assise spéciale du Nord juge six hommes accusés d'être impliqués dans un traffic de cocaïne dans le Port du Havre. Un procès qui met les projecteurs sur le port français en train de devenir une des principales portes d'entrée de la drogue en Europe.
Dans le quartier des Neiges, au Havre plus grand port commercial de France, une maisonnette criblée d'impacts de balles. "J’ai été réveillé par ce que j’ai pris pour des pétards. En fait c’était une fusillade”, raconte un habitant qui n'a pas souhaiter voir son nom apparaitre dans cet article : “Si vous le faites, la prochaine balle sera pour moi.”
Dans ce quartier à quelques mètres des conteneurs, où la loi du silence règne, on voit les grues charger et décharger les énormes navires.
Cette semaine à Douai a eu lieu le plus grand procès pour traffic de drogue que le Havre n'ait jamais connu. Six accusés pour lesquels le parquet a requis 13 à 25 ans de réclusion criminelle, qui vivaient ou opéraient tous aux Neiges. Ils sont accusés d'avoir aidé des cartels sud-américains à faire rentrer 1,3 tonne de cocaïne au havre.
Ce n'est que l'affaire la plus récente à alimenter la crainte que le port du Havre devienne une version française des ports d'Anvers et de Rotterdam.
Le nombre de conteneurs déchargés au port a plus que doublé entre 2004 et l'année dernière et est passé de 1,5 million à plus de 3 millions. Des cargaisons diverses et variées qui peuvent par exemple contenir des bananes ou des boîtes de conserves. Mais il n'y a pas que le nombre de conteneur qui a augmenté, les drogues cachées aussi : 10,5 tonnes ont été saisies l'année dernière soit trois fois plus qu'en 2019.
Selon Alain Lemaire employé des douanes et délégué syndical CGT, “On n’a ni le personnel ni les infrastructures pour gérer un tel trafic”. En effet, le nombre d'agents de surveillance est passé de 180 en 2004 à 90 aujourd'hui.
“On vérifie 1 % des conteneurs qui sont débarqués au Havre et on peut considérer qu’on empêche un dixième de la cocaïne d’arriver. Ce procès est anecdotique et n’empêchera pas la drogue d’arriver en masse.”
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Le Havre est maintenant devenu le décor de scènes dignes de séries télévisée. Une fois un gang s'est enfui du port avec un camion bourré de cocaïne sous les feux de la police. Une autre fois, une organisation criminelle s'est attaquée à un dépôt pourtant étroitement surveillé pour récupérer la drogue dissimulée dans une cargaison.
De plus, les douaniers sont régulièrement espionnés à l'aide de drones qui transmettent en direct les images de leurs saisies ou encore des individus munis de jumelles postés sur les toits voisins.
Selon les estimations d'Europol, le marché européen de la cocaïne représente 10,5 milliards d'euros au prix des dockers qui subissent une pression de plus en plus forte pour travailler avec les cartels. Une situation gênante pour Edouard Phillipe actuel maire du Havre et ancien premier ministre d'Emmanuel Macron aujourd'hui considéré comme son successeur à la prochaine présidentielle.
Plusieurs dockers ont déjà été condamné pour avoir travaillé avec des cartels, certains d'entre-eux l'ont fait sous la contrainte d'après la police. De plus, depuis 2017 se sont une trentaine de dockers qui ont été enlevés, certains par des trafiquants de drogue, d'autre par de petits délinquants qui pensaient qu'ils avaient de l'argent sur eux venant du traffic. Quasiment aucun d'entre eux n'a porté plainte.
En 2020, le corps d'Allan Affagard, un docker influent au sein de la CGT avait été retrouvé, battu à mort, derrière une école de banlieue du Havre. Alors âgé de 40 ans, le père de famille avait été soupçonné deux ans auparavant d'avoir fait sortir une tonne de cocaïne du port, ce qu'il niait formellement. Les semaines précédentes à sa mort, il avait été bombardé de messages cryptés du type : Tu nous dois une faveur. On sait où tu habites.”.
Selon Valérie Giard qui représente un homme qui risque la prison à vie au procès de Douai et qui plaide coupable. Nombre de dockers tombent dans le “piège”, nous déclare-t-elle :
“Certains sont attirés par l’appât du gain, d’autres commencent par refuser parce qu’ils ont des salaires plutôt bons – dans les 4 000 euros par mois –, mais ils reçoivent des menaces, des photos de leur femme et de leurs gamins. Les trafiquants leur disent que ce n’est pas la peine de parler à leur patron ou à la police parce que certains sont corrompus, alors ils se sentent pris au piège.”
“Une fois qu’on est pris dans cette spirale, il est très difficile d’en sortir”, déclare Bruno Dieudonné, le procureur du Havre.
Selon une échelle des salaires non officielle établie par le ministère public, un chauffeur de camion touche entre 10 000 et 20 000 euros pour sortir la marchandise, un grutier peut lui espérer 50 000 euros et un docker chargé de recruter la main d'oeuvre 150 000 à 200 000 euros.
Certains dockers sont payés pour autoriser la sortie de conteneurs ou les faire déplacer hors de vue et de portée de caméras de surveillance, d'autres prêtent leur badge aux trafiquants. Cette semaine, aucun des accusés n'était docker, ils ont fait l'objet d'un procès distinct en 2021. Ils sont accusés d’importation et trafic de substances stupéfiantes en bande organisée. Trois des six accusés se trouvent en détention préventive ; ils sont soupçonnés d’être les “donneurs d’ordres” et de travailler pour des organisations internationales.
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Parmi eux, on retrouve Louis Bellahcene, 56 ans, allias Doudou. Il vit officiellement avec une pension de 977 euros par mois. Ce qui selon le ministère public n'est pas compatible avec son goût pour Louis Vuitton, ses voyages en Thaïlande et ses dépôts d'espèces de plusieurs milliers d'euros. Il est peut-être accusé d'être baron de la drogue mais il a de la concurrence, en 2017, il a été enlevé et a dû payer une rançon de 600 000 euros. Son associé aurait également été enlevé selon le ministère public et aurait dû lâcher 2,5 millions d'euros de plus.
Ce dossier repose principalement sur des écoutes qui ont permis de saisir 1,3 tonnes de cocaïne en provenance du Brésil et de la République dominicaine et près de 500Kg de résine de cannabis à destination de la Martinique.
Le Havre est peut-être dans le viseur des cartels mais on ne n'y connait pas encore un niveau de violence comme aux Pays -bas et en Belgique. Aujourd'hui principale porte d'entrée de la drogue en Europe, le port d'Anvers a connu plus de 200 incidents violents en lien avec la drogue au cours de ces cinq dernières années. Des tirs sur une maison dans le quartier de Merksem ont notamment causé la mort d'une fillette de 11 ans en janvier.
En septembre la police belge a mis au jour un plan d'enlèvement du ministre de la Justice belge. La princesse héritière Amalia des Pays-Bas et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte auraient été visés l’année dernière. Le pays pourrait rapidement “être considéré comme un narco-État”, met en garde Johan Delmulle, le procureur général de Bruxelles.
“On est passé à un niveau de violence complètement différent, déplore Éric Snoeck, le directeur de la police belge. Ils n’hésitent pas à torturer pour obtenir des informations ni à exécuter quelqu’un qui n’a pas rempli un contrat… Ça fait froid dans le dos.”
Cependant, “les choses pourraient se dégrader ici aussi, met en garde Bruno Dieudonné. On n’en est pas encore aux attaques au fusil d’assaut comme à Anvers mais on n’en est pas loin.”
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ça fait flipper 🥶 et dire que c'est pire en Belgique, Amérique du Sud, etc...