La compagnie Eurostar a déclaré que « la catastrophe est possible » et qu’elle pourrait se retrouver en cession de paiement au printemps.
La compagnie transmanche Eurostar, mise à mal par la pandémie de Covid-19, prévient qu’elle pourrait se retrouver en cessation de paiements à la fin du printemps si les gouvernements britannique et français ne viennent pas à sa rescousse. « La catastrophe est possible », a déclaré lundi 19 janvier le directeur général d’Eurostar Jacques Damas.
Une cessation de paiements « quand on aura brûlé tout notre cash », est possible « quelque part dans le deuxième trimestre, plutôt dans la deuxième moitié du deuxième trimestre », a calculé Jacques Damas. « Mais si jamais la crise était encore plus dure, ça pourrait même arriver un peu plus tôt. »
La compagnie Eurostar, filiale à 55 % de la SNCF, a perdu 82 % de son chiffre d’affaires l’an dernier, par rapport aux 1,1 milliard d’euros de 2019, a-t-il déploré.
Dans la pratique, le chiffre d’affaires a été divisé par vingt du deuxième au quatrième trimestre. « On est à 5 % du chiffre d’affaires depuis le 1er avril, pour dire les choses très simplement », a-t-il noté.
Eurostar « souffre davantage que les compagnies aériennes » à cause du « cumul des règles sanitaires définies par les différents pays » desservis, Grande-Bretagne, France, Belgique et Pays-Bas, selon lui.
Et depuis le début de l’année, la compagnie transmanche ne fait plus circuler qu’un aller-retour Londres-Paris et un Londres-Bruxelles-Amsterdam par jour, qui sont vides à 80 %.
« Il n’y a plus que les voyages essentiels », a relevé le responsable, notant que la compagnie mettait un point d’honneur à « garder un haut niveau de service ».
Devant l’ampleur de la crise, Eurostar a entrepris de réduire drastiquement ses coûts, a mis ses effectifs au chômage partiel, a emprunté 400 millions de livres (450 millions d’euros) et a obtenu 210 millions d’euros de ses actionnaires.
Eurostar est détenue à 55 % par la SNCF, à 40 % par le consortium Patina Rail - composé pour 30 % de la Caisse de dépôt et placement du Québec et 10 % du fonds britannique Hermes Infrastructure - et à 5 % par la SNCB belge.
Mais ces actionnaires eux-mêmes ont des capacités limitées, et « il faut qu’il y ait une troisième partie qui fasse son job : les gouvernements », a souligné Jacques Damas.
Pour soutenir sa démarche, des dirigeants d’entreprises de Londres ont appelé le gouvernement britannique à participer à un sauvetage d’Eurostar.
Eurostar a besoin « d’une action rapide pour sauvegarder son avenir », a déclaré l’organisation patronale London First dans une lettre envoyée au ministre britannique des Finances Rishi Sunak et au secrétaire d’État aux Transports Grant Shapps.
Le ministère britannique des Transports a prudemment affirmé que le gouvernement « échange énormément et régulièrement avec Eurostar depuis le début de l’épidémie ».
« Nous continuerons de travailler avec eux alors que nous aidons à un redémarrage sûr et une reprise des voyages internationaux », selon un porte-parole.
Côté français, le ministère des Transports n’a pas souhaité faire de commentaire dans l’immédiat. « Je reste activement optimiste », a estimé Jacques Damas lundi.
« Le business Eurostar est fondamentalement sain », et la voie ferrée sera toujours le moyen le plus écologique pour relier l’Angleterre au Continent, a-t-il plaidé.
Se disant « très préoccupé » par la « situation très critique » d’Eurostar vendredi, le PDG de SNCF Voyageurs Christophe Fanichet avait déploré sa situation particulière : « C’est une entreprise française en Angleterre, donc elle n’est pas aidée par les Anglais, et elle n’est pas aidée par les Français parce qu’elle est en Angleterre », étant historiquement basée à Londres.
Eurostar demande à accéder aux mêmes prêts garantis que les compagnies aériennes, et voudrait une réduction temporaire sur les péages acquittés pour faire circuler ses trains. La compagnie espère aussi une coordination des contraintes sanitaires entre les quatre pays desservis, selon M. Damas.
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