La sécheresse qui touche actuellement la France risque de provoquer des tensions sur certaines cultures comme le blé. Elle pourrait encore faire augmenter les prix dans un contexte international difficile.
Soleil au beau fixe, températures élevées, la France connaît un début de mois de mai 2022 estival. Un événement qui pourrait ressembler à une bonne nouvelle mais qui n’en est pas une.
Le pays est en effet confronté à une vague de sécheresse qui touche les nappes phréatiques et qui pourrait provoquer de fortes perturbations agricoles.
Cela fait quatre mois qu’on observe un déficit des précipitations, constate l’agroclimatologue Serge Zaka. Un manque de pluie lors d’une période qui sert normalement à recharger les nappes phréatiques. Celles-ci sont aujourd’hui en déficit de 20 %, selon le ministère de la Transition écologique.
Contrairement à d’autres années, on entame l’été sans réserve, poursuit le chercheur qui travaille pour la société ITK, spécialisée dans l’analyse de la rentabilité des agriculteurs.
« Il y aura un impact sur la production de céréales »
Une situation particulièrement critique d’autant que Météo France n’annonce pas de nouvelles précipitations dans les prochains jours et que les températures devraient même grimper jusqu’à 30 degrés dans plusieurs régions du pays.
D’habitude, la période de sécheresse n’arrive pas avant mi-juin. Cette année, elle a plus d’un mois d’avance, affirme encore Serge Zaka.
Des conditions météorologiques qui mettent en péril plusieurs cultures. Il y aura un impact sur la production des céréales, reconnaît le ministère de l’Agriculture.
C’est particulièrement vrai pour le blé dont la période sensible pour déterminer les rendements va de fin mai à mi-juin. À cette période, si une sécheresse intervient, il y a moins d’épis et les grains peuvent être plus petit, ce qui diminue les rendements, poursuit Serge Zaka.
Selon l’agroclimatologue, on peut déjà estimer des pertes sur les rendements de 5 % à 10 % dans les zones situées sur les sols superficiels et entre 0 % et 5 % sur les sols profonds. Mais si la sécheresse dure, ce qui semble être probable, on pourrait avoir des pertes de rendements jusqu’à 40 %, craint Serge Zaka.
Prudent, le ministère de l’Agriculture refuse d’avancer des chiffres pour le moment. Il précise toutefois que d’autres cultures, comme les betteraves, le tournesol ou le maïs pourraient aussi être affectés en l’absence de précipitations.
Une sécheresse qui ne concerne pas seulement la France mais toute l’Europe et qui vient percuter un contexte international tendu sur la question des céréales depuis la guerre en Ukraine, un des principaux exportateurs mondiaux de blé.
La hausse des prix est déjà en cours et la sécheresse ne risque pas d’améliorer la situation, analyse Serge Zaka. Si selon lui, les pays développés devraient réussir à faire face à cette situation, il dit craindre des situations de pénuries dans les pays du Sud, dépendants de ces importations.
Le chercheur entrevoit tout de même un point positif. Avec la guerre, certains agriculteurs mondiaux ont profité de la hausse des prix pour planter du blé. Il est trop tôt pour le dire mais l’augmentation de suffrages agricoles en blé pourrait compenser la sécheresse en Europe et stabiliser la production mondiale, avance-t-il, tout en restant prudent.
En France, le ministère de l’Agriculture a décidé plusieurs mesures lors d’une réunion avec les acteurs du secteur, lundi. Il a annoncé que le guichet ouvert en avril pour aider les agriculteurs à faire face au changement climatique allait être complété de 20 millions d’euros supplémentaires.
Il veut aussi permettre aux agences de l’eau de dépenser 100 millions d’euros pour financer des projets pour faciliter l’accès à la ressource en eau. Enfin, les préfets de dix-huit départements ont déjà pris des mesures cibles de restrictions d’eau.
Pour l’instant, nous sommes sur l’équivalent des grosses sécheresses observées en 2019 ou 2011, mais il est possible qu’on atteigne des niveaux supérieurs s’il ne pleut pas. Il faudra refaire le point dans deux semaines, conclut Serge Zaka.
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