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Ukraine: l'évacuation de Marioupol encerclée par les Russes reportée, féroces combats autour de Kiev

Les Ukrainiens ont reporté samedi l'évacuation des civils du port stratégique de Marioupol, invoquant des violations du cessez-le-feu par les forces russes qui assiègent cette ville et avancent ailleurs dans le pays, avec toujours de féroces combats autour de la capitale Kiev.

La prise de Marioupol, dans le sud-est de l'Ukraine, bombardée par les Russes et leurs alliés depuis plusieurs jours, serait un important tournant dans le conflit au dixième jour de l'invasion, alors que Moscou et Kiev se préparent à un troisième round de négociations durant le week-end.

Elle permettrait en effet, à l'est, la jonction entre les forces russes venues de la Crimée annexée, qui ont déjà pris les ports clés de Berdiansk et Kherson, et les troupes séparatistes et russes dans le Donbass. Et à ces forces consolidées de remonter vers le nord et pousser encore plus leurs troupes vers le centre et le nord, où les combats font rage, notamment à Kiev et Kharkiv.

Annoncée dans la matinée, l'évacuation des civils de Marioupol a été reportée "pour des raisons de sécurité", car les forces russes "continuent de bombarder Marioupol et ses environs", a déclaré la mairie à la mi-journée.

De son côté, Moscou a affirmé avoir respecté le cessez-le-feu et a accusé les "nationalistes" ukrainiens d'empêcher les civils de quitter les villes encerclées, comme Marioupol, et de profiter de la trêve pour consolider leurs défenses.

Après dix jours de guerre, le bilan est impossible à vérifier de manière indépendante. Kiev fait état d'au moins 350 civils et plus de 9.000 soldats russes tués, sans mentionner ses pertes militaires, et Moscou évoque 2.870 morts côté ukrainien et 498 dans ses rangs.

Près de 1,37 million de personnes ont fui l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février, selon les derniers décomptes de l'ONU, suscitant une forte mobilisation dans les pays frontaliers, notamment la Pologne où s'est rendu samedi le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.

"Les scènes qui se déroulent aujourd'hui à Marioupol et dans d'autres villes sont déchirantes", a déclaré le CICR, appelant les parties en conflit à protéger les civils en Ukraine.

En 2014, Marioupol, ville de quelque 450.000 habitants située sur la mer d'Azov, avait résisté aux assauts des forces prorusses venues de Donetsk notamment.

- "Des corps partout" -

"La nuit dernière, les bombardements se sont intensifiés et rapprochés", a indiqué à l'AFP un membre de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) encore sur place, ajoutant que les habitants manquaient de tout: eau -- au point de devoir ramasser et faire fondre de la neige pour en avoir --, électricité et nourriture, les bombardements ayant détruit de nombreux magasins.

Le siège de Marioupol intervient alors que les forces russes se rapprochent de la capitale Kiev, rencontrant une tenace résistance et bombardant parfois des immeubles d'habitation, notamment à Tcherniguiv, à 150 km au nord de la capitale, où des dizaines de civils ont été tués ces derniers jours.

Une équipe de l'AFP qui s'est rendue sur place samedi a constaté des scènes de dévastation dans des quartiers résidentiels -- alors que Moscou dit ne pas les viser -- dans cette ville de 300.000 habitants qui se vidait de ses habitants, faisant craindre un destin similaire pour Kiev une fois les batteries de missiles et l'artillerie russes aux portes de la capitale.

"Il y avait des corps partout au sol. Ils faisaient la queue pour la pharmacie là, ici, et ils sont tous morts", témoigne Sergei, un survivant encore complètement désorienté par le hurlement continu des sirènes, avertissement d'une frappe imminente. Samedi matin, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov, a admis que les Russes avaient avancé dans plusieurs directions, tout en affirmant qu'ils ne contrôlaient qu'une "petite portion" de territoire.

Il a accusé Moscou d'avoir changé de tactique et de s'en prendre aux civils après avoir rencontré une forte résistance ukrainienne, qui a mis à mal selon lui les plans russes d'invasion des grandes villes et de renversement rapide du gouvernement du président Volodymyr Zelensky.

Ce dernier continuait à défier Moscou et a affirmé samedi que les forces ukrainiennes avaient lancé une contre-attaque autour de Kharkiv (nord), la deuxième ville du pays, théâtre des bombardements parmi les plus intenses depuis le début de la guerre.

L'armée russe, qui continue de bombarder intensément les alentours de Kiev au nord-ouest et à l'est notamment, occupe depuis vendredi la centrale nucléaire de Zaporojie (sud), où des frappes de son artillerie, selon les Ukrainiens, ont provoqué un incendie - dont Moscou nie être à l'origine - faisant craindre un accident nucléaire catastrophique.

- Aeroflot suspend ses vols -

En dix jours d'invasion, les Russes ont largement avancé dans le territoire ukrainien, mais ils n'ont jusqu'ici pris que deux villes clé, Berdiansk et Kherson, sur la côte sud de la mer Noire.

Selon Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne, un troisième round de négociations russo-ukrainiennes pourrait se tenir samedi ou dimanche.

Mais les chances de parvenir à des progrès paraissent infimes, le président russe Vladimir Poutine ayant prévenu que le dialogue avec Kiev ne serait possible que si "toutes les exigences russes" étaient acceptées, notamment un statut "neutre et non-nucléaire" pour l'Ukraine et sa "démilitarisation obligatoire".

Il a en outre souligné samedi que la Russie considérerait comme cobelligérant tout pays tentant d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, une revendication de Kiev.

Le président Zelensky, qui devait demander samedi davantage d'aide à Washington, a vivement critiqué l'Otan pour son refus d'instaurer une zone d'exclusion aérienne, ce qui revient selon lui à "donner le feu vert à la poursuite des bombardements sur des villes et villages ukrainiens".

Pendant ce temps, les combats continuent autour de Kiev.

Samedi, dans un hôpital du nord de la capitale, des soldats ukrainiens blessés ont raconté à l'AFP leur combat inégal sous un déluge de feu russe, tout en promettant qu'ils retourneraient au front dès qu'ils seraient de nouveau aptes au combat.

"On était en reconnaissance" et "on est tombés sur une colonne ennemie", a expliqué le soldat Motyka, 29 ans, touché par un éclat sur le flanc droit. "On les a combattus et tué leurs soldats à pied, mais ils nous ont arrosés avec des tirs de mortier", a-t-il indiqué. Pilonné et presque encerclé, le bataillon ukrainien a perdu plusieurs hommes et dû battre en retraite.

En Russie, le Kremlin a durci sa répression de toutes les voix dissidentes face au conflit.

Le président Poutine a signé vendredi une loi prévoyant jusqu'à 15 ans de prison pour toute personne publiant des "informations mensongères".

Les chaînes de télévision publique allemandes ARD et ZDF, ainsi que l'italienne RAI, ont annoncé samedi la suspension temporaire de leur couverture depuis Moscou, emboîtant le pas à l'agence Bloomberg News, la BBC (radiotélévision publique britannique) et plusieurs chaînes américaines dont CNN.

Londres a appelé samedi les Britanniques dont la présence n'est pas "essentielle" à quitter la Russie, tandis que la compagnie aérienne russe Aeroflot a annoncé la suspension de ses vols internationaux à partir du 8 mars, au moment où Moscou est frappé de plein fouet par des sanctions occidentales en lien avec l'Ukraine.

La liste des entreprises se désengageant de Russie s'est encore allongée samedi. Le géant espagnol du vêtement Inditex, propriétaire de Zara, leader mondial de l'habillement, a annoncé "suspendre temporairement son activité dans les 502 magasins" en Russie ainsi que sur les sites d'achat du groupe en ligne dans le pays.

Le sud-coréen Samsung Electronics a suspendu ses exportations vers la Russie, où il contrôle un tiers du marché des smartphones, après le géant américain de l'informatique Microsoft la veille.

emd-burs/at/sg

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