Un jeune luthier nommé Tharun Sekar est parvenu à recréer un instrument utilisé il y a près de 2.000 ans en Inde, le yazh. En plus de redonner vie à cette sorte de harpe, il a récemment dévoilé la première chanson enregistrée uniquement avec sa création.
Recréer des instruments de musique oubliés depuis des décennies. C'est le défi insolite que s'est lancé le jeune Tharun Sekar. A Chennai en Inde, ce luthier de 24 ans a monté un petit atelier dans lequel il s'affaire depuis deux ans pour redonner vie à des instruments qui résonnaient par le passé dans son pays.
C'est ainsi qu'il a recréé le yazh. Sculpté dans le bois et doté de cordes, l'objet est similaire à une harpe et était autrefois largement utilisé dans la musique traditionnelle tamoule. Avant de tomber dans l'oubli. "L'existence de l'instrument peut être retracée jusqu'il y a environ 2.000 ans dans la littérature Sangam", a confirmé Tharun Sekar au New Indian Express.
"Toutefois, son usage s'est perdu dans le temps", a-t-il poursuivi. En menant des recherches, le jeune homme a constaté que plusieurs répliques de yazh étaient visibles dans des musées mais qu'aucune n'était un instrument original, ni capable de produire réellement de la musique. Il a également échoué à trouver le moindre enregistrement sonore ou vidéo.
Autant de détails qui ont piqué sa curiosité, a-t-il précisé à Atlas Obscura. Mais le luthier s'est rapidement rendu compte que recréer cette harpe indienne n'allait pas être facile. En se tournant vers la littérature, il n'est parvenu à trouver aucune information sur les dimensions de l'instrument, la longueur de ses cordes, ni même d'illustration.
Et puis "j'ai trouvé le Yazh Nool, écrit par Swami Vipulananda en 1947, qui est le seul vrai livre de recherche disponible sur l'instrument", a-t-il raconté. "Le livre donnait des informations détaillées sur la théorie musicale, la façon dont les cordes étaient alignées et des notations musicales qui ont aidé à recréer le son correctement".
Il a cependant fallu faire quelques adaptations. Au lieu d'utiliser du bois de jaquier comme autrefois, Tharun Sekar a préféré employer du cèdre rouge plus léger. Il a ensuite méticuleusement sculpté le matériau jusqu'à obtenir un son qui lui semblait correspondre aux descriptions de l'ancien instrument. Et le premier yazh moderne est né.
Recréer l'objet ne constituait que l'étape initiale puisque le jeune luthier s'est également entrainé pour apprendre à en jouer. "Le système de notation était similaire à celui d'une guitare, et j'ai lentement trouvé le chemin. Mais ça a demandé beaucoup d'entrainement et je suis encore dans un processus d'apprentissage", a-t-il expliqué.
Avec la société qu'il a créée, Uru Custom instruments, le passionné travaille aujourd'hui à la conception d'autres yazhs de sept à quatorze cordes, moyennant chacun cinq à six mois de travail. Il a également réalisé une vidéo pour faire entendre le son de l'instrument oublié et montrer l'une de ses créations finement sculptées.
Une seconde vidéo a également vu le jour. Produite avec InFrame Magazine, elle dévoile la première chanson entièrement enregistrée avec un yazh. Intitulée Azhagi, elle mélange sons modernes et anciens. Tharun Sekar l'a écrite et enregistrée avec l'un de ses amis, Sivasubramanian, alias the Nomad Culture, et un rappeur nommé Syan Saheer.
La performance a exposé le jeune musicien à de nouvelles difficultés avec sa délicate création. En studio, "j'ai constaté que l'instrument était plus sensible à l'espace. Donc positionner le micro et enregistrer le son en direct a été assez difficile", a avoué le luthier au New Indian Express.
"Si nous n'avons pas réussi à capturer pleinement son son, avec ce que nous avons appris jusqu'ici, nous espérons nous adapter et améliorer l'expérience dans le futur", a-t-il confié, ajoutant que quatre à cinq autres chansons seraient en cours de conception.
La passion de Tharun pour les instruments est née à l'adolescence lorsqu'il a découvert l'existence de la guitare lap-steel hawaïenne. "J'ai voulu en jouer. Mais à cette époque, cette guitare n'était pas disponible en Inde. La seule option pour moi était de la construire. J'ai regardé des vidéos et j'ai essayé de fabriquer la guitare", a-t-il relaté à Atlas Obscura.
"Le processus du travail du bois est devenu addictif. Ça me fascinait. Je pensais à sa texture, la sensation dans mes mains. Quand j'ai terminé l'instrument et entendu le son, c'était merveilleux", a-t-il ajouté. Et le jeune homme a poursuivi sur sa lancée : chaque été, il a fabriqué un nouvel instrument à cordes, y compris un banjo et un ukulélé.
Après son premier essai, Tharun Sekar travaille maintenant à la fabrication d'autres yazhs dotés de sept à quatorze cordes. Chacun nécessite cinq à six mois de travail.© Naveen Sekar
Après avoir entamé des études d'architecture, Tharun a réalisé un stage à Auroville, la fameuse cité utopique indienne. C'est là qu'il a rencontré un luthier et guitariste, Erisa Neogy, à qui il a montré ses créations et qui a accepté de le former pendant six mois à la fabrication d'instruments.
Une fois diplômé, le jeune homme a décidé de se consacrer entièrement à sa passion. C'est comme ça qu'Uru Custom a vu le jour. Outre le yazh, Tharun s'est attelé à redonner vie à d'autres instruments. Parmi eux, le Panchamukha Vadyam, une sorte de tambour indien à cinq faces et le cajón, une caisse de résonance d'origine péruvienne.
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