Le 21 mars 1940
Il y a 81 ans
Le 21 mars 1940, dans l'émotion suscitée par l'armistice entre les Finlandais et les Soviétiques, dix jours plus tôt, Paul Reynaud remplace Édouard Daladier, l'homme des accords de Munich, à la présidence du Conseil (le gouvernement français).
Cet homme politique de la IIIe République, élu député du Bloc national en 1919, témoigne d'une rare clairvoyance dans les années 1930, tandis que monte le péril nazi.
Prophétique mais isolé, il réclame en vain en 1934 une dévaluation du franc pour remédier à la crise économique. Au lieu de cela, Pierre Laval prendra des mesures de rigueur déflationnistes qui vont précipiter l'effondrement de l'économie.
Il se range aussi à l'argumentation du colonel de Gaulle sur la création, dans l'armée, de divisions blindées. Entêté dans sa volonté de résister à tout prix à Hitler, comme Churchill en Grande-Bretagne, il devient garde des sceaux dans le ministère Daladier en mars 1938 puis ministre des Finances en novembre 1938.
Malgré la majorité de gauche issue du Front populaire, il mène alors, dans l'urgence, à coup de décrets-lois, une vigoureuse «politique de sacrifices» qui ne cache pas son nom, pour mettre le pays en état de combattre : suspension de la semaine de 40 heures, dévaluation du franc... Mais ses efforts arrivent trop tard.
Accédant à la tête du gouvernement, Paul Reynaud relance de concert avec Churchill, Premier Lord de l'Amirauté britannique, une opération aéronavale contre le port norvégien de Narvik, en vue de «couper la route du fer» aux Allemands.
Suite à l'invasion allemande du 10 mai 1940, il appelle dans son gouvernement Charles de Gaulle en qualité de sous-Secrétaire à la Guerre. Il lance aussi à l'adresse de l'opinion quelques sentences qui se veulent encourageantes mais lui seront plus tard reprochées («Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts»).
Le 18 mai, alors que les armées françaises et britanniques cèdent sur tous les fronts, il obtient du président Lebrun le limogeage du généralissime Maurice Gamelin, vaincu par son défaitisme et son manque de détermination. Mais il le remplace par le général Maxime Weygand (73 ans), qui s'est acquis un certain prestige en qualité de second du maréchal Foch à la fin de la précédente guerre.
Alors en poste à Syrie, Weygand rentre dare-dare à Paris mais prend le temps de se reposer et suspend pour une semaine les projets de contre-offensives de son prédécesseur. À cette mauvaise pioche, Paul Reynaud en ajoute une seconde, sur une suggestion de sa maîtresse la comtesse Hélène de Portes : il offre la vice-présidence du Conseil à Philippe Pétain, auréolé de son prestige acquis à Verdun !
Le vieux maréchal ne se fait pas prier et va dès lors plaider avec Weygand pour un arrêt des combats et des tractations avec l'ennemi. L'un et l'autre ne cessent de désigner le Front populaire et les communistes comme les véritables artisans de la défaite et croient pouvoir négocier avec Hitler comme avec Guillaume 1er et Bismarck en 1871.
Paul Reynaud résiste dans un premier temps à la pression du clan défaitiste avec le soutien de De Gaulle et surtout de son ministre de l'Intérieur Georges Mandel. Il resserre l'alliance avec l'Angleterre de Churchill et accepte même le projet de Jean Monnet d'une fusion des deux États ! Mais le temps joue contre lui.
Quand se précise la défaite, c'est en vain qu'il tente de convaincre les autres ministres de poursuivre la lutte outre-mer. Les partisans de l'armistice et du renoncement font bloc autour de Pétain. Le 16 juin, Paul Reynaud démissionne par lassitude, peut-être aussi sous la pression de sa compagne la comtesse Hélène de Portes, soucieuse de tranquillité. Usé et décidément mal inspiré, il suggère au président Albert Lebrun d'appeler le maréchal Pétain à sa place.
Notons que son dernier acte de chef du gouvernement sera la création d'une caisse d'allocations familiales destinée à redresser la natalité française, sur le conseil du démographe Alfred Sauvy. Avant de quitter ses fonctions, il débloque aussi cent mille francs et les donne à de Gaulle en l'encourageant à partir sans attendre pour Londres. Georges Mandel, invité à l'accompagner, s'y refuse. En tant que juif, il ne veut pas prêter le flanc au soupçon de désertion.
Arrêté en septembre 1940, Paul Reynaud sera déféré devant le tribunal de Riom, chargé par Pétain de juger les «responsables de la défaite» mais aucun magistrat ne voudra le condamner.
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