top of page
  • Photo du rédacteurJules

Soudan : vers la guerre totale ?

Dernière mise à jour : 23 avr. 2023

Sur place, la situation reflète les ambitions contradictoires de deux généraux, jadis alliés pour le partage du pouvoir et des richesses du pays. Aujourd'hui, Askip revient sur la généalogie de cette crise et l'analyse pour savoir ce qui pourrait prochainement arriver.

Le conflit, d'une nature sans précédent pour l'indépendance du pays a éclaté samedi 15 avril entre l'armée régulière soudanaise (SAF), dirigée par Abdel Fattah Al-Burhan et les forces de soutien rapide (RSF) dirigées par Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemeti.



Traditionnellement, les affrontements au Soudan impliquent une élite armée vorace et adepte de la kleptocratie, un système de gouvernement dans lequel ceux qui sont au pouvoir utilisent leur position pour voler et s'approprier les richesses du pays au détriment de la population. Et donc un gouvernement qui pille les ressources des régions marginalisées, telles que le Darfour, le Kordofan du Sud ou le Soudan du sud (aujourd'hui indépendant).



Depuis l'indépendance du pays en 1956, l'armée soudanaise n'a pas évoluée et a conservé son identité façonnée par les colons britanniques et égyptiens. Ainsi, elle reste dominée par des officiers tous issus d'un même milieu social très fermé du nord du pays.


Deux armées, un pays





Jusqu'à présent, les groupes paramilitaires tels que les RSF n'auraient pas cherché à s'emparé de la capitale. En effet, l'état-major des armées les considérait comme des alliés dans les conflits régionaux. Depuis la prise de pouvoir en 1989 par l'ancien président Omar Al-Bachir, le régime est devenu de plus en plus dépendant des milices comme celles de Hemeti.


La transition économique amorcée en 2011, qui préfère l'or au pétrole, à la suite de la chute des exportations d'hydrocarbures a joué en faveur de Hemeti, qui à mainmise sur les principales mines, notamment dans le Darfour. Hemeti, en a alors profiter pour faire des RSF une armée de mercenaires semi-indépendants, qui s'est enrichie en faisant sortir clandestinement de l'or du Darfour et en allant aider les forces saoudiennes et émiraties au Yémen.


D'alliés à ennemis


Par ailleurs, durant la révolte de 2013, Al-Bachir avait fait appel aux troupes de Hemiti pour réprimer les manifestations, permettant alors aux RSF de s'implanter durablement dans la capitale Khartoum. Quelques années plus tard, en avril 2019, Hemeti change de camp et décide soutenir le renversement de son ancien protecteur.


L'armée régulière qualifie alors les RSF de "milice rebelle". Mais contrairement aux autres groupes dissidents, ces dernières font partie intégrante des principaux dispositifs de sécurité de la capitale. Et c’est précisément ce qui rend le conflit actuel si particulier, et si dangereux.



L'un des signes les plus notables des affrontements à venir était sans doute la confiance que l'on sentait s'installée depuis quelque temps chez les survivants du régime d'Al-Bachir affiliés au Parti du congrès national (NCP), alors au pouvoir sous l'ancien régime et officiellement dissous.


Durant les jours précédents l'affrontement, des cadres du NCP se sont réunis publiquement, malgré l'interdiction du parti depuis les putschs (coup d'état militaire) de 2019.


Après les premiers affrontements, le secrétaire du mouvement islamiste en pleine renaissance et l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Al-Bachir, Ali Karti a été accusé par Hemeti d'être l'un des maîtres d'oeuvre de ce qu'il a décrit comme une tentative d'"entraîner le pays dans la guerre et de recréer le putsch [d’octobre 2021, NDLR]".


Une rupture annoncée


C'est à cette période que remonte les premiers signes de rupture entre le général Abdel Fattah Al-Burhan, à la tête de l'armée régulière et Hemeti. Le coup d'état a été la cause de l'éviction de plusieurs civils qui partageaient comme ils le pouvaient le pouvoir avec l'armée et les RSF dans un gouvernement postrévolutionnaire de transition.


Al-Burhan a ensuite entrepris de confier de nouveau les responsabilités à plusieurs membres de l'élite du NCP, à la grande déception de Hemeti, qui savait qu'ils ne lui pardonneraient jamais d'avoir trahi Al-Bachir.


A contrario, les Forces pour la liberté et le changement (FFC), une coalition de partis politiques et d'associations opposées au gouvernement militaire de la révolution de 2019, et les figures locales du mouvement anti-islamiste, en particulier aux Emirats arabes unis, voyaient en Hemeti une possibilité de faire rempart contre le retour en force du Mouvement islamiste et de ses alliés militaires, et ce bien que les Soudanais ne semblaient pas prêts à pardonner au chef des RSF l'implication de ses troupes dans le massacre de Khartoum, en juin 2019, qui avait fait 100 morts.



Après avoir soutenu le putsch d’Al-Burhan en 2021, Hemeti a nommé en octobre 2022 un nouveau conseiller, Yusuf Izzat, qui a su établir le contact avec les dirigeants des FFC. Plus tard, le chef des RSF a défendu bec et ongles l’accord-cadre de 2022, devant permettre l’instauration d’un gouvernement de transition exclusivement civil – et a finalement reconnu que le putsch d’octobre 2021 était une “erreur”.


Ce texte prévoyait notamment l’intégration des RSF dans l’armée régulière, et ce sont les désaccords sur le calendrier et le déroulement de cette incorporation qui ont fini de mettre le feu aux poudres.


Al-Burhan a insisté pendant un temps pour que l’intégration ait lieu avant la mise en œuvre du reste de l’accord. Hemeti, lui, s’opposait farouchement à l’incorporation de ses forces tant qu’il resterait des islamistes dans le commandement de l’armée.


Alors que la tension allait crescendo, Hemeti a entrepris de rappeler ses troupes postées dans l’ouest du pays pour les envoyer à Khartoum et à Méroé, dans le Nord, où les armées soudanaises et égyptiennes réalisaient des exercices conjoints.


Une bataille sur terre et dans les airs


Comme son rival avait établi des liens avec les Émirats arabes unis, l'état-major de l'armée régulière s'est tourné vers l'Égypte où les chefs militaires soudanais ont été formés, et le déploiement des RSF à Méroé visait clairement à empêcher une attaque aérienne soudanaise ou égyptienne en cas de conflit ; cependant, malgré les tentatives de médiation pour freiner l'escalade des tensions, des affrontements ont éclaté, les RSF ont capturé des soldats égyptiens et les combats féroces près de l'aéroport risquent de prolonger le conflit, même si l'armée régulière dispose d'une supériorité numérique, les RSF ont plus d'expérience récente en matière de combat et peuvent mobiliser une flotte importante de véhicules blindés.



Un retour à un gouvernement civil impossible


Bien que les effectifs des RSF soient inférieurs à ceux de l'armée régulière, ils représentent une menace considérable pour l'hégémonie militaire de cette dernière, et la victoire d'Al-Burhan entraînerait probablement un retour aux pratiques politiques antérieures à la révolution, tandis qu'un triomphe de Hemeti pourrait relancer la transition démocratique, mais une issue incertaine pourrait entraîner une instabilité encore jamais atteinte dans le pays, à moins qu'un cessez-le-feu négocié par des médiateurs nationaux ou étrangers ne soit conclu.





Mots-clés :

1 comentário

Avaliado com 0 de 5 estrelas.
Ainda sem avaliações

Adicione uma avaliação
Alizée
Alizée
23 de abr. de 2023
Avaliado com 5 de 5 estrelas.
Curtir
bottom of page